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Bout de vie
10 mars 2009

La Crise ! Voilà ce qu'on peut voir à Paris.

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Elle est «dans la dèche» et fait désormais son marché, en revenant des puces voisines. «Une retraite trop maigre, dit-elle, des dépenses de santé qui s’accroissent, alors je suis obligée de compter.» Rien ne se perd, tout se récupère et se vend. Ce ne sont plus des vide-greniers mais des vide-frigo. Désormais, Sylvie, qui a travaillé toute sa vie dans le VIIIe arrondissement, connaît les heures les plus favorables dans les quartiers défavorisés. Il faut être attentif aux dates de péremption mais assez rapide pour se faufiler entre deux rondes de la police qui peut passer n’importe quand. Au jeu du chat et de la souris, ce sont les «souris» les plus patientes. Elles font semblant de remballer puis elles reviennent dix secondes plus tard. Les vendeurs sont en majorité des femmes. Les clients, hommes et femmes, ont autour de la soixantaine. Leur porte-monnaie est quasi vide!

Dos voûté et visage rougi par le froid, Fatima*, 57 ans, installe ses marchandises sur le trottoir. Il est 7 heures du matin mais, sous le pont de la porte de Montmartre, ils sont déjà nombreux à scruter les étals de fortune. «Combien, les yaourts ?» demande une passante. Cinquante centimes les quatre, une affaire. Aux pieds de la vendeuse, saumons fumés, saucisses, jambons de dinde, fromages, laitages, pains de mie, poireaux, oranges et jus de fruits sont exposés sur un drap sale, à même le sol humide. Des produits récupérés dans les poubelles du Monoprix voisin.

La cliente n’est pas dupe. Les dates de péremption sont parfois dépassées de six jours. Mais pour cette mère de famille, qui élève seule deux enfants avec un smic, les prix justifient de prendre quelques risques. «Au supermarché, ça coûte le triple. Mais je fais attention. Si la couleur ou l’odeur est bizarre, je jette.» Après quelques minutes de discussion, la jeune femme repart avec trois sacs chargés pour la semaine. Le tout pour 10 euros.

Soudain, ça siffle à droite. C’est le signal : les flics!

Le genre de «bonne occase» qui attire de plus en plus de monde. Ils seraient près d’un millier de vendeurs à Paris. Vêtements usagés, cassettes audio, outils de récup, vieux magazines mais aussi lecteurs MP3, ordinateurs et téléphones portables dernier cri, on trouve de tout, à vil prix. Le marché a mauvaise réputation : depuis plus d’un siècle, on le surnomme «le marché des voleurs». «C’est plutôt le marché des pauvres! Mères célibataires, smicards, retraités, handicapés, étrangers, sans-papiers... On est tous dans la même merde, vendeurs et acheteurs!» s’exclame Chantal, qui vient ici depuis quinze ans brader ses vieilleries. Malgré son bagout, elle a de plus en plus de mal à écouler ses marchandises. Alors, il y a quatre mois, elle s’est mise à vendre aussi de la nourriture. «Parce que c’est ce qui marche le mieux.» Apparu il y a à peu près un an, au début de la crise, ce type de commerce s’est multiplié ces derniers mois.

Elle désigne sa voisine : «C’est elle qui m’a conseillé de venir ici.» Les deux femmes se sont rencontrées près de chez elles, dans la banlieue, en faisant les poubelles du même supermarché. «Avant, explique-t-elle, je récupérais la nourriture pour moi et je donnais le reste à mes voisins. Je leur apportais des sacs entiers! Un jour, Louisa m’a raconté combien elle gagnait en vendant cette nourriture sur le marché : 30 euros par jour! Alors j’ai fait comme elle.» Ce qu’elle gagne lui permet de payer ses factures. Ancienne brocheuse dans une imprimerie, elle vit avec les Assedic et un RMI : 600 euros mensuels qui servent principalement à régler son loyer. «La vie, dit-elle, n’est pas facile tous les jours.» Mais Chantal n’est pas du genre à se morfondre. Ce qu’elle aime, précise-t-elle en embrassant un habitué, c’est «rencontrer des gens».

Soudain, ça siffle à droite. C’est le signal : les flics! Pas le temps de remballer ses affaires. Elle les abandonne et se réfugie sur le trottoir d’en face. Sur le sol ne restent que des sacs en plastique, des vieilleries, des détritus. Un îlotier demande à Chantal à qui appartient la nourriture encore étalée sur le sol. Elle hausse les épaules : «J’sais pas.» Le policier n’insiste pas. Ses collègues ont rattrapé un vendeur de matériel informatique qui tentait de s’enfuir. Des produits «tombés du camion».

«En six mois, le marché a doublé»

La marchandise est saisie, l’homme est emmené au poste. «On préfère courir après les voleurs plutôt qu’après ceux qui crèvent la dalle et viennent ici pour gagner deux francs six sous», confie un îlotier, lassé par le jeu du chat et de la souris auquel il se livre à longueur d’année. «A quoi ça sert de leur mettre des contraventions? demande son équipier. Ils reviennent quand même, parce qu’avec la crise leurs problèmes s’aggravent. En six mois, le marché a doublé.»

Tous les policiers ne pensent pas de la même façon. Fatah en sait quelque chose. Ce jeune déficient mental revend à 50 centimes l’unité des boîtes de sardines et de thon qu’il achète par cartons au patron d’une grande surface. La semaine dernière, Fatah a écopé d’une amende de 172 euros. «Offre, vente ou exposition en vue de vente non autorisée, sur un lieu public», précise le PV. Une répression qui met Hakim hors de lui. Secrétaire de l’association Sauve qui peut, il serre les mains, demande des nouvelles, trouve un mot pour chacun. La bonne nouvelle ? Daniel Vaillant, le maire PS du XVIIIe arrondissement, lui a promis 100 emplacements gratuits.

Quelques kilomètres plus à l’est sur le périphérique, les mêmes scènes se jouent, porte de Montreuil, dans le XXe arrondissement. Sami, 64 ans, ajuste sa casquette. Ancien ferrailleur, il vit avec sa femme dans un hôtel à 400 euros par mois. Une somme importante pour ce retraité qui ne perçoit que 580 euros. Il n’en est pas fier, mais lui aussi récupère ses marchandises lors des tournées d’associations comme la Croix-Rouge ou les Restos du cœur. Sa technique est rodée : en semaine, il parvient à accumuler plusieurs dizaines de boîtes de sardines à l’huile. Un euro les trois, voilà son prix. Les journées fastes, cela lui permet de gagner 15 euros.
Non loin, Asma, 33 ans, et ses deux sœurs ont exposé sur trois cartons des boîtes de conserve, des pâtes, des packs de lait, des yaourts. Elles sont tchétchènes. Adam, 11 ans, sert d’interprète pendant que sa mère tient la caisse. «Ça vient de l’association. On le vend, parce que chez nous, en Tchétchénie, on ne mange pas ça. Ça nous sert à payer l’hôtel», explique le garçon. Les bons jours, ils peuvent gagner 30 euros. «Chez moi, j’étais notaire. Je suis en train de chercher des ménages, mais c’est difficile de trouver du travail. Alors, en attendant, je suis bien obligée de me débrouiller», articule dans un français approximatif la jeune mère, dont le mari a disparu pendant la guerre.

Midi passé. Une femme, tirant un chariot chargé de boissons fumantes, traverse la foule en criant : «Thé à la menthe! Café chaud!» Sur le trottoir opposé, une autre propose des crêpes et des pâtisseries arabes, 50 centimes l’une, 1 euro les trois. Porte de Clignancourt, une restauratrice improvisée passe le matin prendre ses commandes auprès des vendeurs, puis fait à midi la distribution des plats.

Une économie de la misère qui se retrouve aussi en semaine, au cœur de la capitale. Métro Belleville le matin, métro Couronnes l’après-midi. Ils sont entre 200 et 300 à squatter le terre-plein central du boulevard de la Villette. On retrouve les vendeurs déjà croisés, le week-end, aux abords du périphérique. La plupart refourguent quelques centimes plus cher ce qu’ils ont acheté la veille à Montreuil ou Clignancourt. Ici aussi, les étals de nourriture se multiplient. Les bons produits partent vite. Après 9 h 30, il ne reste plus que du périmé. Elena s’est arrangée avec un vendeur, Boris. Il lui met certaines denrées de côté. Ce matin, elle trouve ses deux fromages habituels, son pain de mie, ses desserts au chocolat de marque et sa viande dont la date est dépassée «seulement de deux jours». Elena sourit : «J’ai de la chance!»

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Où va-t-on ? ça me fait froid dans le dos.

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Commentaires
C
en province, on vit un chouïa mieux quand même... Et là, honnêtement, j'en viens à me demander, si c'est on peut descendre encore plus bas. Personnellement, je serais à la retraite avec une toute petite pension, je quitte Paris sans hésiter, en province, c'est un peu plus facile pour se loger, pour se faire soigner, et pour tout le reste. On a bien chez nous quelques SDF, mais on ne voit pas encore ça, faut dire aussi qu'on est dans une ville où les assos sont très nombreuses et très efficaces. Quand je pense à ma cousine qui me pète les rouleaux avec ses états d'âme à deux balles parce qu'il lui manque toujours un truc, ça me gonfle, ça me gonfle, tu peux même pas savoir. Bisous Monaange, sais tu que bientôt peut être, je te demanderai de veiller sur Nénette ;)
L
Coucou Monaange !<br /> Merci de ta visite. Le temps passe vite et les journées bien remplie alors, si en plus on occupe les soirées!!!...<br /> Navrant ton billet mais la réalité quotidienne de milliers de personnes ! Je connais bien les vendeurs de la Porte de Montreuil et les chineurs de la Place des Fêtes qui font la cueillette des fruits et légumes laissés par les marchands à la fin du marché... Comme dit Cherrybee, nous n'avons pas à nous plaindre si nous avons un toit de quoi nous chauffer et de quoi manger et même beaucoup plus !... Alors, portons attention à eux et faisons leur une place!<br /> Bises
C
C'est terrifiant!On voit cette réalité sur ton blog. On va sur celui d'Élisa, on voit autre chose, celui de Ciboulette, n'en parlons pas. Comme dit Élisa, on a bien de la chance. Ici, des bruits de couloir racontent qu'on n'aura pas d'augmentation cette année. Qu'est-ce qu'on s'en fiche! Pour moi, mon mandat temporaire se termine le 31 octobre, et un poste permanent de fonctionnaire risque de m'être attribué d'un jour à l'autre (je suis la 2ème sur la liste). Comme ma vie est belle. Puissé-je en faire un peu profiter ceux qui souffrent autour de moi...
E
Ha ca fou les boules de lire ca. C'est dur dur et on se rend bein compte de la chance qu'on a . <br /> Pleins de bisous <br /> Elisa
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